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Introduction to "Born Again with Dr. Dahesh" French Version

 

Salim Onbargi

 

 

Ma Renaissance

Grâce au

Docteur Dahesh

 

 

 

Un voyage à la découverte de l’homme et de sa philosophie et

du message spirituel le plus éclairé de tous les temps

 

 

 

Anne Kombargi

Déc. 25.2008

 

 

Dédicace

 

 

 

À l’homme qui donna un but et un sens à ma vie.

À l’homme qui réenflamma ma foi en Dieu

Et ses justes voies.

À l’homme qui éleva mon âme et lui donna espoir

Quand tout semblait vide et sans signification.

À lui qui s’opposa fermement au mal

Dans toutes ses formes avec courage et défiance.

Au message divin qu’il prêcha et auquel il consacra sa vie.

À tous les nobles principes qu’il représenta

Et pour lesquels il vécut.

Au Docteur Dahesh je dédie ce livre.

 

 

 

Introduction

 

« Introduction au Daheshisme » était le titre d’un article dans lequel je racontais ma première rencontre avec le docteur Dahesh, un homme extraordinaire qui a donné naissance à une nouvelle philosophie religieuse.

 

La Daheshist Publishing Company (une maison d’édition) à New York m’avait écrit pour me demander un article concis de quatre pages décrivant comment j’avais fait la connaissance du docteur Dahesh et pourquoi j’étais devenu daheshiste.

 

Cette commande d’un texte en anglais, une langue que je ne maîtrisais pas parfaitement, ne m’enthousiasmait pas vraiment. Je n’étais pas certain de pouvoir écrire correctement. Malgré mes doutes et mes hésitations, je décidais de faire un essai, par respect pour Vout, une sœur daheshiste (les daheshistes s’appellent entre eux frère ou sœur, pour marquer le lien spirituel des individus les uns envers les autres). Pendant plusieurs années, c’est cette même Vout qui m’incita à écrire en anglais mes expériences daheshistes. Sans ses exhortations et ses encouragements constants, je n’aurai jamais pensé écrire ce livre.

 

Je me souviens avoir expliqué à Vout, en présence du Docteur Dahesh qui était alors malade, que j’étais incapable d’écrire un tel livre en anglais. Mes connaissances dans cette langue se limitaient à la rédaction de lettres et rapports commerciaux. Mais rien ne la dissuadait. Elle continua d’insister arguant que j’avais une histoire importante à raconter. Elle était convaincue que j’étais capable d’écrire un tel livre. Je garde une dette envers elle pour sa confiance inébranlable.

 

Je suis également reconnaissant envers Haimanola, une jeune daheshiste dévouée et fort intelligente dont le soutien efficace m’a poussé à développer l’article d’origine de quatre pages pour rédiger un livre. Après avoir lu mon premier récit, elle me pressa de continuer à écrire tout ce que je pouvais de mes expériences avec le docteur Dahesh. Depuis le tout début, elle a pris en charge les écrits que j’envoyais à la Dahesh Publishing Company, faisant en sorte que tous mes envois soient présentés fidèlement et correctement mis en forme pour être imprimés.

 

Je remercie aussi ma fille Suzanne, qui s’est portée volontaire avec empressement pour mettre au point tout ce que j’écrivais, notamment pour corriger les nombreuses fautes de grammaire. Je souhaite aussi remercier mon ami M. Charles Meinhardt qui m’assista pour l’édition finale du livre, ainsi que ma femme Kathleen qui m’a aidé à me remémorer précisément les souvenirs de certains des événements que j’ai mentionnés.

 

D’une part, j’ai dû raconter mes expériences avec le docteur Dahesh dans une langue qui n’est pas la mienne, ce qui n’était pas simple du tout. Et d’autre part, j’ai dû sans cesse fouiller dans ma mémoire pour retrouver tous les événements décrits, et mes souvenirs de voyages avec le docteur Dahesh. Je regrette de ne pas avoir tenu de journal durant les deux ans pendant lesquels j’ai été son compagnon de route. Des notes m’auraient bien servies à évoquer précisément de la façon dont tous ces événements se sont déroulés.

Les descriptions des voyages du docteur, que j’ai retrouvées dans ses livres, m’ont beaucoup aidé et m’ont ramené en mémoire des événements importants. Mais elles ne me furent d’aucun secours pour retrouver les paroles exactes ou les révélations précises. Je regrette beaucoup de ne pas me souvenir des mots employés par le docteur dans des moments particuliers mentionnés dans le livre. Néanmoins, j’ai toujours tenté de rester aussi fidèle et proche que possible de la parole et des suggestions du docteur Dahesh.

 

La dernière difficulté à laquelle je me suis heurté lors de la rédaction de ce livre fut lorsque j’essayais de faire comprendre certains aspects de la philosophie daheshiste et ses principes, dans des termes faciles à comprendre par tous. Expliquer, par exemple, certains aspects de la nature et des caractéristiques d’un « Sayal » était extrêmement compliqué. Ce principe fondamental du Daheshisme, qui est la base de la compréhension de la religion Daheshiste, est une idée complexe que j’ai essayée de simplifier. J’ai mis un temps considérable pour réfléchir au concept daheshiste du Sayal et à la façon de le traduire en un texte compréhensible. J’ai rassemblé et mélangé toutes les idées que j’avais tirées de mes lectures des livres du docteur Dahesh ou le concernant parus à l’époque, et de nos conversations. J’ai intégré les révélations et les miracles du docteur Dahesh en rapport avec le concept daheshiste de Sayal; comme, par exemple, la concrétisation instantanée de pensées en objets. Je me suis également référé à des articles scientifiques, à la Bible et au Coran, afin de rendre les concepts daheshistes plus accessibles au lecteur. Puis, j’ai dû écrire encore et encore sur ce sujet, de nombreuses fois, en arabe, pour clarifier certains points, avant d’être capable de l’exprimer en anglais.

 

Ce que j’ai écrit à propos des Sayal était seulement la partie de ce qu’il m’était donné de voir de leur globalité car, à mon avis, la réalité des Sayal reste un secret spirituel qui ne peut être entièrement compris. La réalité des Sayal est un défi à l’imagination, à l’expérience et au raisonnement humain. Elle est bien au-delà de notre capacité de conception, de compréhension ou même de notre capacité à l’exprimer avec des mots.

 

Le livre débute par les circonstances de ma rencontre avec le docteur Dahesh et la première fois où j’ai été témoin de certains de ses miracles. Ensuite, je raconte mon retour des États-Unis pour vivre au Liban. Les difficultés auxquelles j’ai dû faire face pour gagner ma vie là-bas. Au milieu de mon récit, je décris comment j’ai été de plus en plus attiré vers le docteur Dahesh et son message spirituel. Il m’a fallu bien du temps pour prendre peu à peu conscience du fait que le docteur était le fondateur d’une nouvelle religion, basée sur des révélations divines et des miracles. Je relate certains voyages entrepris avec lui et les événements spirituels inhabituels qui les ont émaillés. J’ai essayé de donner au lecteur quelques aperçus précis et un certain éclairage sur l’extraordinaire unicité de la réalité de l’homme à qui j’ai été intimement lié pendant plus de vingt ans. J’ai aussi tenté d’expliquer brièvement certaines de ses idées et de ses enseignements que j’ai retenus de ma longue association avec lui. Vers la fin du texte, j’évoque la destruction du Liban et le triste destin de la civilisation. Enfin, je résume ce que l’expérience daheshiste a été pour moi, et les enseignements du docteur Dahesh qui est et restera dans mon cœur et mes pensées pour toujours. Ce livre que j’ai intitulé « Ma renaissance avec le docteur Dahesh » est ma propre interprétation de cet homme et de sa philosophie, le plus lumineux message spirituel de tous les temps.

 

 

 

Chapitre Premier

 

Ma première rencontre avec le Daheshisme remonte à l’été 1963. J’étais rentré des États-Unis au Liban. Je venais rejoindre ma mère et ma famille pour partager le chagrin et trouver la consolation à la suite du décès de mon père. Il était mort quelques semaines auparavant, foudroyé par une attaque cardiaque. L’annonce tragique m’était parvenue à Chicago. Je travaillais comme ingénieur industriel pour une société de manufacture. J’avais été embauché après deux années de recherche exténuantes, de privations et d’épreuves. Je commençais juste à bien gagner ma vie lorsque la triste nouvelle tomba. Je demandai à la société la permission de m’absenter six semaines. J’empruntai alors quelques centaines de dollars et partis pour le Liban, laissant derrière moi ma femme, enceinte, et notre petite fille.

 

Je venais à peine de me remettre du choc de la perte de mon père quand mon jeune frère Ali, de 7 ans mon cadet, commença à me parler du docteur Dahesh, un homme qu’il admirait et révérait immensément. Il me pressait constamment de l’accompagner pour lui rendre visite. Il ne tarissait pas de paroles sur les merveilleux et incroyables miracles que le docteur Dahesh était capable de réaliser et du nouveau message spirituel et religieux qu’il professait. À cette époque, je n’étais intéressé ni par les miracles, auxquels je ne croyais pas, ni par un soi-disant message spirituel. J’étais tout à fait content d’une vie sans aucun lien religieux.

 

J’étais né musulman et en ce qui me concernait, c’était tout. Je ne pratiquais pas ma religion et j’étais heureux ainsi. Je ne souhaitais pas raviver la mémoire de la bigoterie religieuse et du fanatisme des sociétés libanaise et moyen-orientale, que je pensais avoir laissées derrière moi en partant en Amérique. Donc, lorsque mon frère me parla avec ferveur du Daheshisme, je ne partageais pas son enthousiasme et ne voulais pas être impliqué dans ce que je croyais être une nouvelle secte. M’investir dans un culte religieux quelconque était bien la dernière chose que j’avais à faire. Il était hors de question que je me complique l’existence. Rien ne pouvait me distraire de mon devoir : gagner ma vie dans une société matérialiste et complexe comme la société américaine. J’avais laissé derrière moi, ma femme et mon bébé, seules avec peu d’argent pour vivre, dans un monde cruel où l’argent faisait tout : en avoir permettait de vivre confortablement et en manquer entraînait dans la déchéance. J’étais démuni, mais déterminé et rien ne pouvait me distraire de mon principal objectif : gagner ma vie, et surtout pas une philosophie religieuse.

 

Et puis le fait que ce soit Ali qui veuille me convertir à cette pensée religieuse ne plaidait pas en faveur du Daheshisme. Pour toute ma famille Ali était un jeune impétueux, un garçon à problèmes, aux propos blessants. Il agissait et parlait toujours de façon inappropriée. Il avait contrarié la famille en abandonnant l’école et en se mariant à la femme qu’il aimait, un mois après le décès de son père. Il avait seulement 22 ans et n’avait pas de travail stable. Avec sa jeune femme ils avaient emménagé dans un studio de l’un des quartiers les plus pauvres de Beyrouth. Pour subvenir aux besoins du ménage, il fut embauché comme coursier dans une agence de voyages qui lui donnait un maigre salaire, en dépit du niveau de vie libanais. Toutefois, je l’aimais beaucoup. Il était le plus proche de mes frères et j’admirais son esprit de provocation, sa fierté, son honnêteté et sa droiture.

 

Un jour, j’osais lui dire qu’il avait commis une erreur en ne terminant pas ses études universitaires et qu’il s’était marié prématurément, sans être sûr de pouvoir subvenir aux besoins de son couple. Il me répondit en colère qu’il n’avait pas besoin de ma pitié ou de mes conseils et que tant que Dieu lui donnerait un toit sur sa tête et quelque chose à manger, c’est tout ce qu’il demandait. De toute façon, je n’étais alors pas en position d’aider mon frère car j’étais pauvre et n’avais rien en trop. La seule différence entre Ali et moi était qu’il menait une existence misérable dans une société superficielle alors que je démarrais en Amérique un pays doté en abondance et plein d’opportunités. Sur ce fond d’appréhension, de doute, de peur de m’impliquer d’une part et voulant, d’autre part, satisfaire de le souhait de mon frère de rendre visite au docteur Dahesh, j’allais découvrir  le Daheshisme. Le moment décisif fut lorsque mon frère me demanda de l’accompagner chez lui pour rendre visite à sa femme. Je me souviens avoir monté sept étages de hautes marches sinueuses dans un vieil immeuble décrépit pour atteindre son petit appartement sous les toits. Nous entrâmes ; je saluais sa jeune épouse, mais mon cœur battait encore très fort et je pouvais à peine reprendre mon souffle. Dès que je pus à nouveau respirer normalement après cette escalade éprouvante, je me rendis compte de l’extrême pauvreté dans laquelle ils vivaient. Il y a des instants dans la vie d’une personne où les impressions deviennent des souvenirs ineffaçables, ce moment fut l’un d’eux.

 

Il y avait un couloir menant vers le petit appartement, à gauche une petite salle de bains, à droite un évier. Près d’une table rectangulaire de taille moyenne, étaient posés, d’un côté, des plats et des casseroles, quelques assiettes, des tasses et des ustensiles jetés dans une boîte en bois, et de, l’autre côté, un sac plastique avec du pain arabe, un pot d’olives vertes, quelques oignons, un plateau d’œufs à moitié rempli et quelques boîtes de conserve contenant le sucre, le sel, le poivre, l’huile et le café. Au centre de la table, un petit four était connecté à une bonbonne de gaz rangée sous la table. Il n’y avait pas de réfrigérateur dans l’appartement. La chambre à coucher tenait lieu de salon avec le lit comme canapé. Il y avait une paire de vieilles chaises et une petite table en bois sur laquelle était posé un cendrier métallique. Mon frère et sa femme vivaient dans un grand dénuement et malheureusement, ni moi, ni les membres de la famille qui auraient voulu l’aider n’étaient en position de le faire. Nous étions tous pauvres, mais aucun de nous autant que Ali.

 

Après que je leur ai souhaité beaucoup de bonheur et une vie heureuse ensemble, la femme d’Ali alla préparer le traditionnel café arabe. Alors qu’elle s’affairait, mon frère mentionna que le Docteur Dahesh leur avait rendu visite quelques semaines auparavant. Il demanda à sa femme de me raconter ce qui s’était passé durant cette visite. Elle dit qu’un miracle de nature incroyable c’était produit à travers le Docteur Dahesh. Mais elle ne souhaitait pas en faire part à quiconque par crainte que les gens ne croient pas son histoire et se moquent d’elle. Peu avant la visite du docteur Dahesh, alors qu’elle préparait des pommes de terre frites, elle avait malencontreusement fait tomber de l’eau dans l’huile bouillante qui lui avait sauté au visage, la brûlant complètement. Elle plongea son visage dans l’eau, mais cela ne fit qu’empirer le problème. Mon frère et sa femme n’avaient pas les moyens de demander un traitement médical et ils voulaient que personne ne soit au courant de leur situation difficile. La jeune mariée resta à la maison et n’en sortit pas pendant quelques jours de peur que quelqu’un ne voit son visage sévèrement brûlé. Un dimanche matin, alors qu’ils se demandaient quoi faire, on frappa à la porte. Mon frère ouvrit et à sa grande surprise, il vit le docteur Dahesh et son compagnon le docteur Farid Abu Sleiman. Ils saluèrent le jeune couple et après quelques minutes de conversation amicale, le docteur Dahesh se mit soudainement à écrire une prière daheshiste sur un papier. Après l’avoir brûlé, il pris une pincée de la cendre, alla vers la jeune femme et traça une étoile daheshiste sur son front. C’est là que le miracle débuta, elle sentit disparaître les sensations de brûlures et de tiraillement sur son visage. La peau commença immédiatement à se cicatriser et le jour suivant il n’y avait plus trace de brûlures sur son visage, il était redevenu comme avant. Elle était heureuse, tout cet épisode était passé comme un rêve. En entendant cette histoire, un sentiment étrange envahit tout mon corps, et soudain je fut pris d’un fort désir de rencontrer le docteur Dahesh. Si un homme capable de d’un tel miracle existe, pensais-je, je serais chanceux et ce serait un privilège de le rencontrer. Je n’avais aucune raison de douter de la véracité de l’histoire que je venais d’entendre. Pourquoi mon frère et sa femme me mentiraient-ils et qu’auraient-ils à gagner à inventer une telle histoire ? Je réclamais à mon frère de m’emmener avec lui lors de sa prochaine visite chez le docteur Dahesh. Avant de prendre congé, Ali me remit trois livres écrits par le docteur Dahesh.

En rentrant chez moi, j’entrepris leur lecture et appréciais beaucoup les ouvrages, particulièrement « Mémoires d’un Dinar» qui captiva mon imagination et continue d’ailleurs encore de me fasciner aujourd’hui. Ce livre est le récit des aventures incroyables d’une pièce d’un dinar en or, passant d’une main à l’autre. Les événements relatés se déroulent sur une période de 99 années.

Quelques jours plus tard, mon frère arriva vers moi heureux et excité et me dit que nous allions rendre visite au docteur Dahesh cette après-midi même. Pour lui, rencontrer le docteur Dahesh était toujours un moment privilégié. Ce jour-là, sur le chemin, j’avais encore des sentiments partagés. D’un côté je me sentais excité de rencontrer un homme si mystérieux et controversé, d’un autre côté, j’appréhendais que le docteur Dahesh soit juste un homme autoritaire et dominateur, doté d’un pouvoir mystique inexpliqué.

 

Le taxi fila à travers les rues de Beyrouth avant de stopper devant un vieil immeuble avec une grande porte de fer. « C’est ici », me dit Ali. Il marcha un peu et sonna trois fois à la porte. Le pêne de la porte fut ouvert d’en haut par le moyen d’une corde descendant du deuxième étage vers le rez-de-chaussée.

 

Nous montâmes les escaliers jusqu’à l’entrée de la résidence du docteur. Une femme amicale nous souhaita la bienvenue et nous guida vers le salon à travers un corridor dont les murs étaient recouverts de nombreuses étagères. Le salon était empli d’une multitude d’objets d’art. Il y avait des peintures à l’huile et des tapisseries sur les murs, des statues d’ivoire, de bronze et de bois étaient disposées à tous les coins de la pièce. J’étais submergé par les toutes représentations artistiques de cette maison. Quelques minutes passèrent. Soudain, un homme d’une cinquantaine d’années entra. Il embrassa Ali sur les joues puis me salua. Mon frère me chuchota à l’oreille qu’il s’agissait du docteur Dahesh. C’était un bel homme, de carrure et de taille moyenne, le teint clair avec des traits marquants et des yeux plein de tendresse. Après nous avoir chaleureusement accueillis, il s’assit à côté de nous. Je notais qu’il était calme, un peu timide et extrêmement poli. Il parlait peu et il émanait de sa personne quelque chose de bienveillant et de rassurant. J’étais assis et je le contemplais, une pensée grave traversa mon esprit. Quelle étrange relation étrange liait mon frère au docteur Dahesh : ces deux hommes qui semblaient appartenir à deux mondes opposés. Le docteur Dahesh était un homme réputé, de grande culture, un artiste, auteur prolifique de livres sur différents sujets : littérature, religion et philosophie. Quant à mon frère, il travaillait comme coursier. Il avait une éducation limitée et était très pauvre. Sûrement, pensais-je, tous deux n’ont rien en commun. Plus tard, je me rendis compte que j’avais complètement tort, car je n’envisageais leur relation qu’en termes purement matériels, négligeant le lien le plus fort de tous, celui qui relie les âmes entre elles, le lien spirituel.

Par la suite, j’ai pu constater que le docteur Dahesh ne jugeait pas les gens d’après leur richesse, leur position sociale ou leur influence, mais selon leur âme et leurs qualités spirituelles. Souvent, il refusait de recevoir des premiers ministres, des personnalités renommées et des hommes riches, alors qu’il n’hésitait pas à recevoir les plus humbles et les plus pauvres des visiteurs. Nous restâmes assis sans dire mot. Alors je décidais de prendre l’initiative et parlais avec le docteur Dahesh. Je lui dis qu’Ali l’aimait beaucoup et qu’il était toujours dans son esprit. Il répondit qu’Ali lui était particulièrement cher et que tous deux n’étaient qu’un seul, dans le sens qu’il ressentait la même chose que mon frère.

 

Je lui parlais de son livre « Mémoires d’un Dinar » que j’avais trouvés fascinant et très plaisant. Malgré l’évocation de la face sombre de la nature humaine, c’est l’odyssée haletante du personnage principal, le Dinar, à travers les pensées et les désirs des autres personnages qui sont montrés au lecteur. Il révélait que les aspirations et les actes humains sont fondamentalement bas et néfastes. Le docteur Dahesh affirma que les histoires du livre tristes et horribles ne reflétaient que la vie et devaient être considérés comme telle.

 

Alors que nous continuions à discuter, une femme qui nous avait accueilli apporta un plateau avec des petites tasses de café arabe. Le docteur Dahesh la présenta comme sœur Zenia. Je la saluais à nouveau en prenant une tasse de café. Mon frère connaissait déjà Zeina et ils échangèrent quelques mots avant qu’elle ne quitte la pièce.

 

Me tournant vers le docteur Dahesh, je remarquais que les peintures sur le mur étaient superbes et que je n’en avais jamais vues autant réunies en un seul endroit, excepté, sans doute, dans un musée. Le docteur Dahesh me demanda si je connaissais la peinture ou les arts en général. Je répondis que non et que je ne faisais pas la distinction entre une bonne et une mauvaise peinture, mais que les peintures qu’il avait étaient réellement belles et que j’étais vraiment impressionné.

 

Le docteur continua en disant que, depuis sa jeunesse, il avait toujours fasciné par tous les arts. Il ne pouvait résister à acheter des objets d’art dès qu’il le pouvait que ce soit une peinture, une tapisserie, une statue ou une gravure. Il était intéressé par tout ce qui était beau et artistique.

 

Après notre conversation, il nous demanda de l’accompagner pour visiter la maison. Toutes les pièces dans lesquelles nous entrions ressemblaient à de petits musées. Il est impossible de décrire les superbes objets d’art et les peintures qui apparaissaient partout. La maison elle-même était unique. Elle avait au moins cent ans et de nombreuses pièces avaient des plafonds très hauts. Une grande pièce m’attira plus particulièrement. Elle était à peu près au centre de la maison et entourée de hauts rayons pour les livres. Pour accéder aux étagères les plus hautes, on devait utiliser une grande échelle. Les étagères étaient remplies de livres de toutes sortes. Sur les étagères les plus hautes se tenaient de superbes et majestueux oiseaux empaillés. Certains étaient petits et exotiques alors que d’autres étaient de grands oiseaux de proie, des aigles ou des vautours. Au centre de la pièce étaient disposés de grandes tables entourées de chaises. Je supposais que la pièce entière était utilisée comme bibliothèque.

 

Alors que nous quittions la pièce, nous entrâmes dans un grand corridor. C’était la salle d’attente par des daheshistes. Deux canapés, de chaque côté, se faisaient face et étaient recouverts de coussins. Un couple âgé était en train de lire assis sur l’un des canapés. Comme nous passions devant eux, ils nous regardèrent et le docteur Dahesh nous les présenta : sœur Marie et son mari Georges Hadad. C’étaient les parents de Zeina et j’appris plus tard qu’ils étaient les beaux-parents de l’ancien Président libanais Bishara El Khouri. Madame Hadad était une artiste et un écrivain célèbre. Je les saluais d’un mouvement de la tête et continuais de marcher avec le docteur Dahesh jusqu’au hall d’entrée où nous nous assîmes à nouveau.

 

Je posais des questions au docteur Dahesh sur le miracle étonnant et difficile à croire que mon frère et sa femme m’avaient rapporté quelques jours plus tôt. Je dis que je croyais mon frère et n’avais aucune raison de mettre en doute sa parole. Néanmoins, j’admis que je ne pouvais pas complètement comprendre pourquoi un tel phénomène devait se produire de nos jours et dans un âge de découvertes scientifiques et de progrès intellectuels. Le docteur Dahesh m’expliqua que les miracles ou les révélations spirituelles se déroulent dans ce monde de plus en plus athée pour renforcer le lien de la foi et de la croyance en Dieu. Nous vivons, dit-il, dans une période dominée par un matérialisme excessif. L’argent et les possessions terrestres ont remplacé Dieu dans le cœur et l’âme de la plupart des gens. Nous vivons un siècle de grandes découvertes et d’inventions, où l’homme a fabriqué les machines les plus sophistiquées pour rendre sa vie confortable et agréable. Mais avec ces progrès scientifiques et matériels l’homme a rendu la vie instable en inventant les armes les plus meurtrières et les plus destructrices de toute l’histoire, capables d’annihiler toutes formes de vie sur terre. Les gens aujourd’hui, en général, tendent à penser que les seules choses qui font que la vie vaut la peine d’être vécue sont le confort physique, le pouvoir, la prospérité et le plaisir. Puisque ceux-ci ne peuvent être atteints qu’à travers des moyens matériels, l’urgence et la motivation pour acquérir tout cela ont rendu la plupart des hommes envieux et pécheurs. En conséquence, la plupart des gens sont conduits par de mauvais instincts. La quête inassouvie de l’homme d’objectifs égoïstes et de gains matériels a rendu la vie sur terre pleine de misère, de souffrance, entraînant le crime, la guerre et l’injustice partout. Des actes diaboliques sont perpétués non seulement par des individus mais aussi par des nations entières. Pour cette raison, les gens ont besoin de guides ou d’éveil spirituel. C’est pour cela que des manifestations spirituelles se déroulent afin de nous rappeler que Dieu vit au-dessus de nous tous.

 

Ces manifestations spirituelles aussi variées soient-elles : prophéties, transformations d’objets, soins ou autres ont toujours une chose en commun, elles sont bien au-delà du pouvoir humain et ne sont pas soumises aux lois physiques de la nature. Elles témoignent du pouvoir infini et de la gloire de Dieu et n’ont lieu que pour des raisons spirituelles. 

 

Le docteur Dahesh mit fin à cette conversation et nous restâmes assis en silence, quelques minutes. Je sentis que nous devions partir car nous avions déjà pris beaucoup de son temps. Ni moi, ni mon frère ne souhaitions le déranger avec d’autres questions, aussi nous lui demandâmes la permission de nous retirer.

 

Alors que je le saluais, je le tins spontanément dans mes bras et l’embrassai sur les deux joues. Je le remerciais sincèrement pour sa gentillesse et pour le temps passé avec nous. Sur le trajet du retour mon frère se tourna vers moi et me demanda : « Alors que penses-tu du docteur Dahesh ? » Je répondis : « La meilleure chose que tu aies faite pour moi dans ta vie est de me l’avoir fait rencontrer ». Mon frère dit alors qu’il aurait souhaité que je sois témoin d’une révélation spirituelle, quelque chose d’inhabituel qui aurait fait de moi un croyant. Il me dit que j’aurai sans doute dû demander au docteur Dahesh de voir quelque chose car la parole dit : « Voir s’est croire ».

 

Bien sûr, j’aurais aimé de tout mon cœur avoir été témoin d’une révélation spirituelle, mais je n’aurai pas pu en demander une au docteur. Cela aurait été tout à fait déplacé, alors que, justement, il nous avait expliqué que les révélations n’ont lieu que pour des raisons spirituelles et qu’elles ne doivent pas être considérées comme des événements inhabituels ou distrayants. De plus, le fait de n’avoir pas vu de révélation n’affectait en rien mon profond respect et mon admiration pour l’homme. Tout ce qui concernait le docteur était unique et spécial. Sa sincère humilité, sa gentillesse et son dévouement à des hautes valeurs morales et éthiques étaient au-delà du doute.